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30/11/2015

Fables, Murakami

FABLES_LES_ATTAQUES_DE_LA_BOULANGERIE.JPGLes attaques de la boulangerie, Haruki Murakami et Kat Menschik

Un homme et une femme dans un appartement de Tokyo. Ils ont faim. Pas une faim ordinaire. Une faim qui tenaille, qui prend aux tripes, qui obsède. Une faim comme le souvenir d'une faim antérieure. Une faim tellement forte, tellement impérieuse qu'elle va les pousser à commettre la plus absurde des attaques...

FABLES_SOMMEIL.JPGSommeil, Haruki Murakami et Kat Menschik

Envoûtante et onirique, une des nouvelles les plus énigmatiques de Haruki Murakami, superbement illustrée aux couleurs de nuit par Kat Menschik. Dans un style pur et cristallin, une plongée obsédante dans les dix-sept nuits sans sommeil d'une femme, pour pénétrer tout le mystère et la magie de l'univers du maître.

10/18 réédite ici en poche des nouvelles du maître Murakami, superbement illustrées par l’artiste Kat Menschik. Dans Les attaques de la boulangerie, deux textes se succèdent, se répondant l’un à l’autre. Dans le premier, deux jeunes hommes qui refusent de travailler attaquent une boulangerie pour avoir du pain. L’histoire ne se termine pas tout à fait comme ils l’avaient prévu. Dans le second, l’un de ces hommes, marié et assagi, va raconter son aventure à sa femme, ce qui les pousse à envisager une nouvelle attaque. On a ici deux nouvelles qui oscillent entre réalité et fiction, concret et absurde. On y retrouve l’écriture délicate de Murakami, son humour, ce discret décalage qui confine au fantastique, tout en s’ancrant profondément dans le quotidien.

Sommeil, quant à elle, est un récit étrange, onirique, dont la pseudo simplicité cache une profondeur magnifique. Une jeune femme, à la vie bien organisée entre son mari et son enfant, qu’elle aime tendrement tous les deux, va soudain perdre la faculté de dormir. Elle trouve alors une solution pour meubler ses nuits sans sommeil : relire Anna Karénine, inlassablement. Et sans avoir l’air d’y toucher, Murakami fait comprendre que la littérature est une fonction réparatrice fondamentale de l’être humain, qui permet de s’évader du train-train habituel.

Les deux ouvrages sont magnifiquement illustrés par Kat Menschik, avec des dessins en noir, blanc et or, qui s’adaptent parfaitement à l’univers quotidien et fantastique à la fois des nouvelles. La finesse d’exécution répond à la finesse de l’écriture, et enchante le lecteur.

10 / 18 – novembre 2015 – 8,40 € le volume

12:30 Publié dans Lecture | Lien permanent | Commentaires (0)

29/10/2015

La femme d'argile et l'homme de feu

Sans titre19.pngLa femme d’argile et l’homme de feu, écrit par Helene Wecker

Lorsqu'elle se réveille en cette fin du XIXe siècle, Chava est enfermée dans une malle au fond d'un navire qui les emmène, elle et son nouveau mari, vers New York, loin de la Pologne. Faite d'argile, c'est une golème, créée par un rabbin qui s'est détourné de Dieu pour se consacrer à l'occultisme.

Lorsqu'il se réveille, le djinn est violemment projeté sur le sol de l'atelier d'Arbeely, un artisan syrien. L'instant d'avant, c'est-à-dire mille ans plus tôt, cet être de feu aux pouvoirs exceptionnels errait dans le désert.

La golème et le djinn, fantastiques immigrés, se rencontrent au hasard d'une rue. Eux seuls se voient tels qu'ils sont réellement. Chacun sait que l'autre n'est pas humain. Tous deux incapables de dormir, ils se donnent rendez-vous une fois par semaine, la nuit, pour arpenter les rues de Manhattan, qu'ils découvrent avec émerveillement.
Mais une menace plane sur eux. Le créateur de la golème, d'un âge très avancé, est prêt à tout pour échapper à la mort. Et il a vu où se cachait le secret de la vie éternelle : à New York.

Conte initiatique, récit choral, fresque historique, il y a un peu de tout ça dans ce roman. Les descriptions de New York, en cette fin du XIX° siècle, sont particulièrement réussies et l’auteure parvient à nous plonger sans difficulté dans cette atmosphère particulière ; on ressent les affres des émigrés à Ellis Island, l’espoir que fait naître la vision de la Statue de la Liberté, la solidarité qui lie entre eux les membres des différentes communautés (chrétiens maronites, juifs, syriens…)

Les personnages sont fouillés et Helene Weckler met l’accent sur la vie quotidienne, sur les petits détails qui parsèment chaque jour pour nous en dire plus sur eux. Les anecdotes offrent au lecteur à la fois une proximité avec ces héros si spéciaux, mais également le sentiment de leur totale étrangeté. Ils ne sont pas des êtres humains, et on ne l’oublie pas, mais ils ressentent des émotions qui pourraient être celles d’humains.

À travers l’histoire de ces deux marginaux, le roman parle aussi de la différence, de l’acceptation de l’autre, de la douleur de l’exil, autant e thèmes en résonnance avec le monde contemporain.

Le seul reproche que je pourrais faire à l’auteure, c’est sans doute de traîner un peu en longueur, en particulier dans la première partie. Un rythme un peu plus soutenu n’aurait pas nui au récit, au contraire. La seconde partie est plus enlevée et les évènements s’enchaînent jusqu’à un dénouement bien amené.

À conseiller aux amateurs de magie, de conte de fées adulte, de fantasy pas mièvre, à ceux qui aiment les personnages forts pour un moment de lecture très plaisant !

 

Robert Laffont – octobre 2015 – 23,00 €

 

18:20 Publié dans Lecture | Lien permanent | Commentaires (0)

28/10/2015

Le chant du converti

LE_CHANT_DU_CONVERTI.jpgLe chant du converti, Sebastian Rotella

Tout recommencer à Buenos Aires...

Valentin Pescatore se remet peu à peu de sa rupture avec Isabel et de son éviction de la police des frontières des États-Unis. Il travaille en Argentine, terre d'une partie de ses ancêtres, comme agent de sécurité pour le trouble Facundo, un juif argentin entretenant de nombreux contacts dans le monde occulte des services de renseignements, israélien, entre autres.

Le hasard (mais est-ce bien le hasard ?) le met en présence de Raymond, son ami d'enfance, son quasi frère, qui est lui tombé du côté obscur de la force, dealer, petit délinquant, un peu chanteur, un peu escroc. Raymond lui assure en avoir fini avec ces pratiques, s'être converti à l'Islam et avoir fondé une famille. Quelques jours plus tard, un terrible attentat détruit un centre commercial juif de Buenos Aires, causant des centaines de morts et de blessés. Valentin est rapidement embarqué par la police argentine, une communication suspecte a été interceptée sur son portable. Le seul qui possède ce numéro est son ancien ami Raymond et Valentin a toutes les peines du monde à s'extirper des pattes des flics.

Il ne lui reste plus qu'à prendre part à l'enquête en compagnie des agents secrets américains, français, argentins et à se lancer dans la traque du leader d’un réseau islamiste radical, des jungles d’Amérique du Sud aux rues de Paris et de Bagdad.

Quel roman ! Haletant de bout en bout, profondément humain avec ces personnages aux prises avec leurs contradictions et leurs faiblesses, qui combattent d’autres hommes, en se débattant avec les enjeux de systèmes politiques dont les méthodes pour combattre les terroristes sont pour le moins ambiguës parfois. L’écriture est sèche, précise, incisive, et c’est sa froideur même qui donne profondeur et humanité aux protagonistes. L’auteur connaît parfaitement le milieu dont il parle et cela se sent. En effet, Sebastian Rotella, grand reporter, vit aux États-Unis et est un spécialiste des questions de terrorisme international, de crime organisé, de sécurité et d’immigration. Il a été finaliste du prix Pulitzer en 2006 pour ses reportages internationaux.

La description des trafics, des relations entre mafias et djihadistes est d’une redoutable précision, mais Sebastian Rotella a l’intelligence de la distiller au fil de son histoire, sans jamais nuire à l’intrigue et au suspense, parce que le lecteur découvre le contexte politique, les sombres réalités économiques par les yeux de ses personnages. Il nous guide au travers de cet univers où narcotrafiquants et djihadistes s’allient contre leur ennemi commun : les états occidentaux.

La grande réussite de ce roman tient également dans le personnage de Raymond, le « méchant » de l’histoire ; hâbleur, extraverti, séducteur, manipulateur, agent triple, capable de tout – et même parfois du meilleur, le lecteur, comme le héros Valentino, ne sait trop quoi penser du personnage, et ne parvient pas à le détester vraiment ; quoique…

Terriblement d’actualité, Le chant du converti fait froid dans le dos et ressemble plus à un docu-fiction qu’à une fiction pure, hélas !

10 / 18 – Domaine Policier – octobre 2015 – 8,40 €

17:20 Publié dans Lecture | Lien permanent | Commentaires (0)