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22/12/2015

Retour à Whitechapel

RETOUR_A_WHITECHAPEL.jpgRetour à Whitechapel, Michel Moatti

Londres, automne 1941. Amelia Pritlowe est infirmière au London Hospital et tente de survivre aux bombardements de l’armée allemande. Lorsqu’elle reçoit une lettre posthume de son père, elle n’imagine pas qu’elle va devoir affronter un cataclysme personnel tout aussi dévastateur : ce dernier lui apprend que sa mère, Mary Jane Kelly, a été la dernière victime de Jack l’Éventreur. Mue par une incommensurable soif de vengeance, la jeune femme va se lancer dans une traque acharnée. Elle intègre une société savante d’experts « ripperologues », la Filebox Society, et va reprendre l’enquête depuis le début, reconstituer les dernières semaines de la vie de sa mère, suivre toutes les pistes et accepter tous les sacrifices pour retrouver le plus mystérieux des tueurs en série.

Par le biais d’un roman d’atmosphère captivant et richement documenté, Michel Moatti propose une solution inédite à l’énigme posée en 1888 : qui était Jack l’Éventreur ?

Je fais partie des amateurs – si j’ose m’exprimer ainsi – de Jack l’Éventreur, en tout cas, de ceux qui éprouvent une certaine fascination pour le personnage et l’énigme. C’est donc avec une grande curiosité que j’ai abordé ce livre, qui promet un coupable inédit. En soi, étant donné le nombre d’hypothèses précédemment formulées, c’est déjà une surprise !

Et la promesse est tenue, l’auteur réussit le tour de force d’exposer de manière très convaincante ses théories, si convaincante que l’on se dit « mais oui, bien sûr ! »

Michel Moatti a enquêté pendant trois ans avant de s’engager dans cette aventure, et il a l’intelligence de présenter le résultat de ses recherches, non dans un aride essai, mais dans un roman palpitant. Son enquêtrice, Amelia Pritlowe, est infirmière au London Hospital en 1941. Elle reçoit une lettre posthume de son père qui lui apprend que sa mère n’est pas décédée de maladie, mais qu’elle a été la dernière victime de Jack l’Éventreur, Mary Jane Kelly.

Amelia se lance alors dans une quête désespérée afin de comprendre qui était sa mère, et surtout, qui l’a tuée. Portée par le désespoir et le désir de vengeance, elle remue ciel et terre pour découvrir l’identité de l’assassin.

L’auteur alterne à chaque chapitre les époques : d’un côté, le journal intime de son héroïne, qui rend compte de l’avancée de ses recherches, de l’autre, les évènements de 1888, tels qu’il les imagine. Ces chapitres sont particulièrement soignés : la reconstitution de Londres au début de l’ère industrielle, qui entraîne les pauvres dans une misère ignoble, et les riches vers une aisance de plus en plus grande est parfaite, tout comme les descriptions de la vie quotidienne des futures victimes, qui les rendent ainsi très proches du lecteur. Le parallèle entre les deux époques résonne étrangement – en 1941, la 2de guerre mondiale bat son plein et Londres est ravagé par le Blitz et l’horreur de ces mois de bombardement fait écho à l’horreur de la condition des ouvriers à la fin du XIX° siècle.

Michel Moatti s’appuie sur les documents historiques pour bâtir son hypothèse, et c’est ma foi très convaincant. Son analyse est parfaitement construite et étayée par les dossiers et les témoignages archivés. Elle paraît d’autant plus plausible que l’auteur prend soin d’expliciter à chaque moment sa démarche et de faire avancer son lecteur au rythme des découvertes de son héroïne. Mais il réussit également à offrir un vrai roman d’aventures, qui tient en haleine, et donne envie de tourner les pages jusqu’à la dernière sans le lâcher.

Palpitante, fascinante, troublante, voilà une lecture à recommander chaudement !

10/18 – Grands Détectives – décembre 2015 – 8,10 € – 432 pages

17:31 Publié dans Lecture | Lien permanent | Commentaires (0)

30/11/2015

Fables, Murakami

FABLES_LES_ATTAQUES_DE_LA_BOULANGERIE.JPGLes attaques de la boulangerie, Haruki Murakami et Kat Menschik

Un homme et une femme dans un appartement de Tokyo. Ils ont faim. Pas une faim ordinaire. Une faim qui tenaille, qui prend aux tripes, qui obsède. Une faim comme le souvenir d'une faim antérieure. Une faim tellement forte, tellement impérieuse qu'elle va les pousser à commettre la plus absurde des attaques...

FABLES_SOMMEIL.JPGSommeil, Haruki Murakami et Kat Menschik

Envoûtante et onirique, une des nouvelles les plus énigmatiques de Haruki Murakami, superbement illustrée aux couleurs de nuit par Kat Menschik. Dans un style pur et cristallin, une plongée obsédante dans les dix-sept nuits sans sommeil d'une femme, pour pénétrer tout le mystère et la magie de l'univers du maître.

10/18 réédite ici en poche des nouvelles du maître Murakami, superbement illustrées par l’artiste Kat Menschik. Dans Les attaques de la boulangerie, deux textes se succèdent, se répondant l’un à l’autre. Dans le premier, deux jeunes hommes qui refusent de travailler attaquent une boulangerie pour avoir du pain. L’histoire ne se termine pas tout à fait comme ils l’avaient prévu. Dans le second, l’un de ces hommes, marié et assagi, va raconter son aventure à sa femme, ce qui les pousse à envisager une nouvelle attaque. On a ici deux nouvelles qui oscillent entre réalité et fiction, concret et absurde. On y retrouve l’écriture délicate de Murakami, son humour, ce discret décalage qui confine au fantastique, tout en s’ancrant profondément dans le quotidien.

Sommeil, quant à elle, est un récit étrange, onirique, dont la pseudo simplicité cache une profondeur magnifique. Une jeune femme, à la vie bien organisée entre son mari et son enfant, qu’elle aime tendrement tous les deux, va soudain perdre la faculté de dormir. Elle trouve alors une solution pour meubler ses nuits sans sommeil : relire Anna Karénine, inlassablement. Et sans avoir l’air d’y toucher, Murakami fait comprendre que la littérature est une fonction réparatrice fondamentale de l’être humain, qui permet de s’évader du train-train habituel.

Les deux ouvrages sont magnifiquement illustrés par Kat Menschik, avec des dessins en noir, blanc et or, qui s’adaptent parfaitement à l’univers quotidien et fantastique à la fois des nouvelles. La finesse d’exécution répond à la finesse de l’écriture, et enchante le lecteur.

10 / 18 – novembre 2015 – 8,40 € le volume

12:30 Publié dans Lecture | Lien permanent | Commentaires (0)

29/10/2015

La femme d'argile et l'homme de feu

Sans titre19.pngLa femme d’argile et l’homme de feu, écrit par Helene Wecker

Lorsqu'elle se réveille en cette fin du XIXe siècle, Chava est enfermée dans une malle au fond d'un navire qui les emmène, elle et son nouveau mari, vers New York, loin de la Pologne. Faite d'argile, c'est une golème, créée par un rabbin qui s'est détourné de Dieu pour se consacrer à l'occultisme.

Lorsqu'il se réveille, le djinn est violemment projeté sur le sol de l'atelier d'Arbeely, un artisan syrien. L'instant d'avant, c'est-à-dire mille ans plus tôt, cet être de feu aux pouvoirs exceptionnels errait dans le désert.

La golème et le djinn, fantastiques immigrés, se rencontrent au hasard d'une rue. Eux seuls se voient tels qu'ils sont réellement. Chacun sait que l'autre n'est pas humain. Tous deux incapables de dormir, ils se donnent rendez-vous une fois par semaine, la nuit, pour arpenter les rues de Manhattan, qu'ils découvrent avec émerveillement.
Mais une menace plane sur eux. Le créateur de la golème, d'un âge très avancé, est prêt à tout pour échapper à la mort. Et il a vu où se cachait le secret de la vie éternelle : à New York.

Conte initiatique, récit choral, fresque historique, il y a un peu de tout ça dans ce roman. Les descriptions de New York, en cette fin du XIX° siècle, sont particulièrement réussies et l’auteure parvient à nous plonger sans difficulté dans cette atmosphère particulière ; on ressent les affres des émigrés à Ellis Island, l’espoir que fait naître la vision de la Statue de la Liberté, la solidarité qui lie entre eux les membres des différentes communautés (chrétiens maronites, juifs, syriens…)

Les personnages sont fouillés et Helene Weckler met l’accent sur la vie quotidienne, sur les petits détails qui parsèment chaque jour pour nous en dire plus sur eux. Les anecdotes offrent au lecteur à la fois une proximité avec ces héros si spéciaux, mais également le sentiment de leur totale étrangeté. Ils ne sont pas des êtres humains, et on ne l’oublie pas, mais ils ressentent des émotions qui pourraient être celles d’humains.

À travers l’histoire de ces deux marginaux, le roman parle aussi de la différence, de l’acceptation de l’autre, de la douleur de l’exil, autant e thèmes en résonnance avec le monde contemporain.

Le seul reproche que je pourrais faire à l’auteure, c’est sans doute de traîner un peu en longueur, en particulier dans la première partie. Un rythme un peu plus soutenu n’aurait pas nui au récit, au contraire. La seconde partie est plus enlevée et les évènements s’enchaînent jusqu’à un dénouement bien amené.

À conseiller aux amateurs de magie, de conte de fées adulte, de fantasy pas mièvre, à ceux qui aiment les personnages forts pour un moment de lecture très plaisant !

 

Robert Laffont – octobre 2015 – 23,00 €

 

18:20 Publié dans Lecture | Lien permanent | Commentaires (0)