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24/02/2016

Communardes

COMMUNARDES.jpgCommunardes ! Nous ne dirons rien de leurs femelles – Tome 3, Wilfrid Lupano et Xavier Fourquemin

Marie n’est pas une intellectuelle, ni une aristocrate, encore moins une militante. La Commune, elle aurait pu ne pas la vivre, et continuer à accumuler de la rancœur et de l’amertume dans sa vie de servante, d’ouvrière à la journée. Seulement, la Commune est là et, avec elle, une occasion en or de régler les comptes, de laisser sortir enfin cette froide colère qui lui tord le ventre, de redresser la tête, de se venger de ceux qui ont fait de sa meilleure amie Eugénie un fantôme, dont le rire dément résonne dans une crypte de damnées. La Commune promet que les lâches et les oppresseurs d’hier vont payer. Ça tombe bien, Marie en connaît quelques-uns. Et elle est prête à se salir les mains...

Vents d’Ouest publie le troisième et dernier opus de cette saga consacrée à des personnages de femmes dans la Commune. Et quelles femmes ! De l’aristocrate russe, amie de Marx, qui organise des ateliers féminins autogérés (L’aristocrate fantôme) à la môme délurée qui prend la tête d’une bande de gamins pour tenter de sauver les éléphants du zoo tout en massacrant les Versaillais (Les éléphants rouges), ce sont des héroïnes fortes et hautes en couleur qui racontent cet épisode tragique de l’histoire de France, et surtout la place des femmes dans cette aventure.

Dans ce troisième tome, le plus sombre sans doute, la jeune Marie, servante chez de riches bourgeois, dont le père, gradé de l’armée et féru de chasse, exhibe fièrement les armoiries de la famille comme ses trophées, coule des jours heureux en compagnie d’Eugénie, la fille de la maison. Mais cette quiétude ne durera pas. Quand Eugénie tombe enceinte du beau libraire qui lui a fait lire Proudhon et Bakounine, elle est enfermée manu militari dans un couvent et Marie chassée.

Quelques années plus tard, on la retrouve sur les barricades, servant la soupe aux Communards, trouvant là l’occasion de se venger des oppresseurs d’hier. Elle y croise le libraire, aujourd’hui marié. Lorsque les insurgés attaquent le couvent de Picpus pour réquisitionner ses chambres, elle découvre la pauvre Eugénie, mais dans quel état… Le scénario ménage ce qu’il faut de surprises et de rebondissements, on reconnaît même au gré des cases l’aristocrate anarchiste et la petite fille rêveuse des premiers tomes (les histoires peuvent toutefois se lire indépendamment). Beaucoup d’émotion dans ce volume, parfaitement servi par le dessin précis et très réaliste de Xavier Fouquemin. Les tonalités chaudes et joyeuses des moments heureux alternant avec les couleurs plus sombres des instants plus tragiques.

Si l’ensemble reste bien triste, et rien d’étonnant à cela, nous connaissons tous l’effroyable fin de cette utopie, il y souffle malgré tout un vent de liberté et d’espoir ; ces femmes, dont le sort n’était guère enviable, même au sein de cette « révolution », ont semé les jalons d’un mouvement qui, s’il n’est pas au bout de ses peines, a vu les femmes s’émanciper et gagner des droits nouveaux.

Le regard que les auteurs posent ici sur la Commune (un sujet peu traité en général), avec un angle original (les femmes et leurs luttes) fait de ce triptyque une vraie réussite, à se procurer de toute urgence !

Vents d’Ouest – 14,50 € – février 2016

18:40 Publié dans Lecture BD | Lien permanent | Commentaires (0)

31/01/2016

Les spectaculaires - tome 1

LE_CABARET_DES_OMBRES.jpgLes spectaculaires – Tome 1 : Le cabaret des ombres, Régis Hautière et Arnaud Poitevin

Qu'ils soient hercules de foire, hommes volants, lanceurs de couteaux ou lycanthropes, les membres de la joyeuse troupe du Cabaret des Ombres ont tous un talent certain... pour le trucage et l'illusion. Hélas, à l'heure où le Tout-Paris ne jure plus que par le cinématographe, leurs tours de passe-passe ne suffisent plus pour émouvoir les foules. Aussi, quand l'inénarrable professeur Pipolet leur propose de sauver le monde, ils se disent que le moment est venu pour eux de se montrer vraiment... spectaculaires.

Que voilà une série qui commence bien ! L’aventure démarre sur les chapeaux de roues et entraîne le lecteur dans un Paris de 1900 magnifiquement dessiné. Ambiance « Brigades du Tigre », humour à tous les étages, loufoquerie et délires à la pelle, pas le temps de souffler ! C’est que nos héros sont censés sauver le monde (rien que ça !), mais loin d’être les super-héros que pense l’impayable professeur Pipolet, ce sont juste des illusionnistes de talent. Quant au savant, il tient du « Tournesol », comme du « Gaston », c’est dire si ses inventions sont spéciales.

Le dessin virevoltant de Poitevin nous plonge au cœur de la ville, survolant les toits, s’enfonçant dans ses entrailles, découvrant les intérieurs tout de bric et de broc des hôtels particuliers ; il sait aussi donner des « gueules » aux héros, au caractère bien défini et bien trempé ! Les dialogues sont ciselés, entre brèves de comptoir, réflexions philosophiques et élans comiques.

Dialogues savoureux, péripéties palpitantes, gaffes incessantes et inventions délirantes, le cocktail est parfait pour un beau moment de détente. On a hâte de retrouver la suite des aventures de la bande des « Spectaculaires » !

Rue de Sèvres – janvier 2016 – 14,00 €

 

 

11:38 Publié dans Lecture BD | Lien permanent | Commentaires (0)

22/09/2015

Catharsis

CATHARSIS.jpgCatharsis, Luz

Le 7 janvier 2015, le dessinateur Luz a perdu dans l’attentat commis à Charlie Hebdo, des amis, mais aussi l’envie de dessiner. Alors que la France s’est révélée « Charlie », Luz redevient auteur. Au début, il y a le drame, la douleur, la rage, la perte. Et puis, petit à petit, il y a le besoin de dessiner qui revient, l’envie non pas de témoigner, mais de se mettre à nu, de se libérer.

Alors naît Catharsis. Un livre thérapeutique où Luz nous livre par petites nouvelles ses pensées, son quotidien depuis ce jour qui a bouleversé sa vie, et à une autre échelle, celle de millions d’êtres humains. Les sentiments se bousculent, les styles, le ton. Du rire aux larmes, de la laideur à la beauté, de la colère à l’amour. Catharsis est un ouvrage bouleversant. Y a du Charlie dedans, bien sûr, mais aussi y a du Charb, y a du Cabu, y a du sexe, y a de la musique, y a du Reiser, y a du Feiffer, y a du Franquin, y a la police, y a du rouge, y a l’enfance, y a du rire, y a pas de chanson française, y a du rock, y a du roll, y a des yeux rouges et y a du rire, y a un pigeon, y a de la poésie, y a du Gébé, y a de la pluie, y a du soleil. Y a un auteur qui revit, et un livre incroyable qui s’affirme déjà comme un ouvrage nécessaire. Un classique instantané.

On connaissait Luz pour ses dessins rageurs, ses prises de position implacables, sa dérision et ses colères. Aujourd’hui, il nous livre un album fait de petites scènes, sans scénario défini, mais qui raconte la descente aux enfers d’un homme dont les amis sont morts, dont la vie a été brisée dans une déferlante de haine et de peur. Journal intime, carnet de croquis, déclaration d’amour bouleversante à celle qui partage sa vie, il est difficile de classer ce livre-là. Il parle de la douleur, du désespoir, de l’angoisse, de la confusion et la culpabilité qui le hantent. Mais il parle aussi de cul et d’espoir et de combat. Il relate le cheminement d’un homme qui a perdu le dessin et le retrouve.

Luz se livre totalement dans cet ouvrage, met à nu son cœur, ses tripes et son corps. Rien d’impudique là-dedans, ni de voyeur, tant il y met de finesse, d’intelligence et de tendresse, malgré tout. L’humour aussi revient, le cynisme que l’on aime tant chez lui (voir les planches qui se moquent des intégristes et des comploteurs…)

Catharsis est un ouvrage indispensable, un de ceux qui parlent aux tripes autant qu’à la tête, un album à se procurer, pas pour « Charlie », pas pour le passé, mais pour (re)découvrir le talent formidable d’un auteur !

 Futuropolis – mai 2015 – 14,50 €

 

12:22 Publié dans Lecture BD | Lien permanent | Commentaires (0)