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29/10/2015

La femme d'argile et l'homme de feu

Sans titre19.pngLa femme d’argile et l’homme de feu, écrit par Helene Wecker

Lorsqu'elle se réveille en cette fin du XIXe siècle, Chava est enfermée dans une malle au fond d'un navire qui les emmène, elle et son nouveau mari, vers New York, loin de la Pologne. Faite d'argile, c'est une golème, créée par un rabbin qui s'est détourné de Dieu pour se consacrer à l'occultisme.

Lorsqu'il se réveille, le djinn est violemment projeté sur le sol de l'atelier d'Arbeely, un artisan syrien. L'instant d'avant, c'est-à-dire mille ans plus tôt, cet être de feu aux pouvoirs exceptionnels errait dans le désert.

La golème et le djinn, fantastiques immigrés, se rencontrent au hasard d'une rue. Eux seuls se voient tels qu'ils sont réellement. Chacun sait que l'autre n'est pas humain. Tous deux incapables de dormir, ils se donnent rendez-vous une fois par semaine, la nuit, pour arpenter les rues de Manhattan, qu'ils découvrent avec émerveillement.
Mais une menace plane sur eux. Le créateur de la golème, d'un âge très avancé, est prêt à tout pour échapper à la mort. Et il a vu où se cachait le secret de la vie éternelle : à New York.

Conte initiatique, récit choral, fresque historique, il y a un peu de tout ça dans ce roman. Les descriptions de New York, en cette fin du XIX° siècle, sont particulièrement réussies et l’auteure parvient à nous plonger sans difficulté dans cette atmosphère particulière ; on ressent les affres des émigrés à Ellis Island, l’espoir que fait naître la vision de la Statue de la Liberté, la solidarité qui lie entre eux les membres des différentes communautés (chrétiens maronites, juifs, syriens…)

Les personnages sont fouillés et Helene Weckler met l’accent sur la vie quotidienne, sur les petits détails qui parsèment chaque jour pour nous en dire plus sur eux. Les anecdotes offrent au lecteur à la fois une proximité avec ces héros si spéciaux, mais également le sentiment de leur totale étrangeté. Ils ne sont pas des êtres humains, et on ne l’oublie pas, mais ils ressentent des émotions qui pourraient être celles d’humains.

À travers l’histoire de ces deux marginaux, le roman parle aussi de la différence, de l’acceptation de l’autre, de la douleur de l’exil, autant e thèmes en résonnance avec le monde contemporain.

Le seul reproche que je pourrais faire à l’auteure, c’est sans doute de traîner un peu en longueur, en particulier dans la première partie. Un rythme un peu plus soutenu n’aurait pas nui au récit, au contraire. La seconde partie est plus enlevée et les évènements s’enchaînent jusqu’à un dénouement bien amené.

À conseiller aux amateurs de magie, de conte de fées adulte, de fantasy pas mièvre, à ceux qui aiment les personnages forts pour un moment de lecture très plaisant !

 

Robert Laffont – octobre 2015 – 23,00 €

 

18:20 Publié dans Lecture | Lien permanent | Commentaires (0)

28/10/2015

Le chant du converti

LE_CHANT_DU_CONVERTI.jpgLe chant du converti, Sebastian Rotella

Tout recommencer à Buenos Aires...

Valentin Pescatore se remet peu à peu de sa rupture avec Isabel et de son éviction de la police des frontières des États-Unis. Il travaille en Argentine, terre d'une partie de ses ancêtres, comme agent de sécurité pour le trouble Facundo, un juif argentin entretenant de nombreux contacts dans le monde occulte des services de renseignements, israélien, entre autres.

Le hasard (mais est-ce bien le hasard ?) le met en présence de Raymond, son ami d'enfance, son quasi frère, qui est lui tombé du côté obscur de la force, dealer, petit délinquant, un peu chanteur, un peu escroc. Raymond lui assure en avoir fini avec ces pratiques, s'être converti à l'Islam et avoir fondé une famille. Quelques jours plus tard, un terrible attentat détruit un centre commercial juif de Buenos Aires, causant des centaines de morts et de blessés. Valentin est rapidement embarqué par la police argentine, une communication suspecte a été interceptée sur son portable. Le seul qui possède ce numéro est son ancien ami Raymond et Valentin a toutes les peines du monde à s'extirper des pattes des flics.

Il ne lui reste plus qu'à prendre part à l'enquête en compagnie des agents secrets américains, français, argentins et à se lancer dans la traque du leader d’un réseau islamiste radical, des jungles d’Amérique du Sud aux rues de Paris et de Bagdad.

Quel roman ! Haletant de bout en bout, profondément humain avec ces personnages aux prises avec leurs contradictions et leurs faiblesses, qui combattent d’autres hommes, en se débattant avec les enjeux de systèmes politiques dont les méthodes pour combattre les terroristes sont pour le moins ambiguës parfois. L’écriture est sèche, précise, incisive, et c’est sa froideur même qui donne profondeur et humanité aux protagonistes. L’auteur connaît parfaitement le milieu dont il parle et cela se sent. En effet, Sebastian Rotella, grand reporter, vit aux États-Unis et est un spécialiste des questions de terrorisme international, de crime organisé, de sécurité et d’immigration. Il a été finaliste du prix Pulitzer en 2006 pour ses reportages internationaux.

La description des trafics, des relations entre mafias et djihadistes est d’une redoutable précision, mais Sebastian Rotella a l’intelligence de la distiller au fil de son histoire, sans jamais nuire à l’intrigue et au suspense, parce que le lecteur découvre le contexte politique, les sombres réalités économiques par les yeux de ses personnages. Il nous guide au travers de cet univers où narcotrafiquants et djihadistes s’allient contre leur ennemi commun : les états occidentaux.

La grande réussite de ce roman tient également dans le personnage de Raymond, le « méchant » de l’histoire ; hâbleur, extraverti, séducteur, manipulateur, agent triple, capable de tout – et même parfois du meilleur, le lecteur, comme le héros Valentino, ne sait trop quoi penser du personnage, et ne parvient pas à le détester vraiment ; quoique…

Terriblement d’actualité, Le chant du converti fait froid dans le dos et ressemble plus à un docu-fiction qu’à une fiction pure, hélas !

10 / 18 – Domaine Policier – octobre 2015 – 8,40 €

17:20 Publié dans Lecture | Lien permanent | Commentaires (0)

Il est de retour

IL_EST_DE_RETOUR.jpgIl est de retour, Timur Vermes

Nous sommes à Berlin en 2011 et il est de retour. Qui ? Hitler.

Soixante-six ans après sa disparition, Hitler se réveille dans un terrain vague de Berlin. Et il n’est pas content : plus personne ne fait le salut nazi. L’Allemagne ne rayonne plus sur l’Europe. Et, surtout, c’est une FEMME qui dirige le pays !

Il est temps d’agir. Le Führer est de retour.

Une équipe de télé, par l’odeur du bon client alléchée, est toute prête à lui fournir une tribune. La machine médiatique s’emballe...

Il est de retour est le premier roman d’un journaliste allemand, Timur Vermes (de mère allemande et de père juif hongrois réfugié en Allemagne en 1956, il est né à Nuremberg en 1967) qui imagine le réveil d’Adolf Hitler dans l’Allemagne des années 2010.

C’est Hitler qui parle tout au long de ce livre satirique : il s’étonne de la présence de nombreux Turcs dans les rues, s’indigne qu’une femme soit à la tête du gouvernement, trouve le fonctionnement de l’Union européenne consternant. Puis, repéré par une émission de télé, il devient rapidement une star en répétant ses vieux discours.

Pour la première fois depuis que j’écris des critiques, j’ai un peu de mal à rédiger celle-ci, tant le bouquin laisse une impression de gêne et de doutes.

C’est peut-être sur la forme que le bât blesse et que le malaise s’installe : on a parfois envie d’être d’accord avec telle ou telle réflexion naïve du « voyageur du temps », on a parfois envie de rire d’une répartie… Mais comment pourrait-on être d’accord avec Hitler ? Comment pourrait-on rire avec Hitler ? La réponse est simple : on ne peut pas ! Et pourtant, au-delà du monstre, au-delà de l’ignominie, Hitler est un être humain, pervers, monstrueux, mais humain. Et c’est sans doute cette humanité-là qui dérange le plus.

La satire est bien présente, qui dénonce les travers de notre époque, la médiatisation à outrance et la politique-spectacle. Ce n’est pas le premier ouvrage (livre, film, BD…) qui prend pour sujet Hitler, mais rire d’Hitler est une chose, se mettre dans sa peau et rire avec lui en est une autre…

Pour être honnête, là aussi bien sûr, on se moque de lui, de ses délires obsessionnels, de ses monologues intérieurs délirants et soporifiques. À aucun moment l’auteur ne laisse oublier à qui l’on a affaire et ne montre la moindre complaisance à l’encontre de son personnage. Sa critique acerbe d’une société prête à récupérer n’importe qui ou n’importe quoi pour faire du buzz est particulièrement bien réussie. Elle fait froid dans le dos aussi, car on n'a soudain aucun mal à imaginer le pouvoir qu’un dictateur potentiel pourrait conquérir aujourd’hui avec un tel outil.

Succès fracassant outre-Rhin, l’ouvrage n’en finit pas de susciter la polémique et de diviser ses lecteurs. Son message moral (certain) est-il finalement bien servi par la forme adoptée ? Faire d’Hitler un être humain et non seulement un monstre, est-ce le dédiaboliser ou au contraire montrer encore mieux toute l’étendue de l’horreur ?

 

10 / 18 – octobre 2015 – 8,10 €

12:34 Publié dans Lecture | Lien permanent | Commentaires (0)